Les cancers gynécologiques du Syndrome de Lynch – 2013 – Dr V. Lavoué et Pr J. Levêque

par | Oct 18, 2024 | Articles scientifiques

Le syndrome de Lynch II est aussi dénommé Human Non Polyposis Colorectal Cancer Syndrome : or historiquement c’est une agrégation de cancers certes colorectaux mais aussi gynécologiques (notamment de la partie interne du corps de l’utérus appelée endomètre) qui a attiré l’attention des médecins sur la nature héréditaire de ce syndrome de prédisposition.

En effet, chez la femme, une fois sur deux le cancer « sentinelle » (i.e. qui annonce la maladie) est gynécologique et la prévalence des cancers gynécologique est élevée (cancers de l’endomètre dans 40% des cas, de l’ovaire dans 10% des cas) à côté des cancers digestifs au sens large et des voies urinaires : on pourrait ainsi parler d’Human Non Polyposis Colorectal and Endometrial-Ovarian Cancer afin d’alerter les patient(e)s et les médecins sur le poids des cancers spécifiquement féminins.

Les principales données épidémiologiques chez les patientes atteintes de ce syndrome sont :
(a) une incidence cumulée jusqu’à 80 ans des cancers féminins bien supérieure à ce qui est observé dans la population générale (cancers endométriaux : 40% contre 3% chez les sujets sans mutation, cancers ovariens 10% contre moins de 1%),
(b) un âge moyen de survenue des cancers inférieur de 10 à 15 ans,
(c) des cancers ayant plus souvent des caractéristiques justifiant des traitements plus agressifs.

Qu’ils surviennent chez une femme ménopausée ou non (prenant alors la forme de saignements survenant entre les règles ou de règles anormales par leur durée ou leur abondance) : ce signe d’alerte fort est précoce et une prise en charge adaptée assure alors un bon pronostic. En effet, le muscle utérin (appelé myomètre, qui assure les contractions de l’accouchement) constitue un rempart épais à la diffusion de la maladie en dehors de l’utérus y compris par les voies de circulation vasculaires (vaisseaux lymphatiques ou sanguins) situées à la partie externe du myomètre. Ainsi, devant tout saignement anormal, il faut consulter son médecin qui prescrira en première intention une échographie pelvienne débouchant souvent sur une étude visuelle de la cavité utérine (nommée hystéroscopie) et un curetage de celle-ci pour analyse microscopique. A l’inverse,  les premiers signes cliniques du cancer de l’ovaire sont relativement banaux,(ballonnements, troubles digestifs communs…) n’alertant que tardivement et la patiente et son médecin expliquant que la maladie cancéreuse soit découverte à un stade évolué dans plus de 70% des cas.

Examen annuel comportant une étude de la morphologie de l’endomètre par échographie (ou hystérosonographie, variante de l’examen échographique qui analyse les 2 faces de la cavité utérin après injection par le col utérin de quelques cc sérum salé stérile) ainsi que des ovaires, associée à un prélèvement de la muqueuse endométriale pour analyse microscopique.

Certaines équipes référentes (Pr Fabrice Lécuru, HEGP, Paris) pratiquent en sus une hystéroscopie aujourd’hui réalisée en ambulatoire et susceptible d’être couplée à la colonoscopie. Si le dépistage des lésions utérines est prometteur, celui du cancer de l’ovaire ne donne pas entière satisfaction : tant l’échographie que le dosage des marqueurs sériques (protéines que l’on dose dans le sang élevées en cas de cancer) manquent de sensibilité (méconnaissant d’authentiques lésions cancéreuses) et de spécificité (faisant craindre à tort des lésions cancéreuses), et dépistent des cancers ovariens déjà conséquents. Des progrès sont à attendre en utilisant des algorithmes mathématiques couplant les résultats de l’échographie et des marqueurs, ou venant des avancées de la biologie moléculaire.

Elle est efficace en cas de mutation comme démontrée par une étude américaine où aucun cancer utérin ou ovarien n’a été noté chez les patientes opérées alors que chez les patientes non opérées 33% avaient présenté un cancer utérin et 5% un cancer ovarien. Le geste peut être réalisé par voie abdominale classique, vaginale ou mieux encore coelioscopique. La durée moyenne de l’intervention est de 1 heure avec une hospitalisation allant de 1 à 7 jours et un arrêt de travail moyen de 15 jours à 1 mois. L’intervention entraîne peu de complications à court terme, et ses séquelles liées à la privation hormonale due à l’ovariectomie peuvent être compensées par un traitement hormonal substitutif de ménopause. Sa réalisation impose une information loyale de la patiente, un temps de réflexion suffisant, et l’indication médicale est toujours posée dans le cadre d’une concertation pluridisciplinaire.                   …/

Des méthodes médicales préventives sont actuellement à l’étude au Royaume Uni et aux Etats Unis s’appuyant sur l’utilisation du stérilet au Levonorgestrel (stérilet délivrant dans l’utérus une hormone mettant l’endomètre au repos, très utilisé aujourd’hui en contraception) ou des pilules estro-progestatives dont on sait qu’elles diminuent le risque de cancer ovarien.

Disparition des bouffées de chaleur, amélioration notable de la sécheresse vaginale, correction des troubles du métabolisme du sucre et du cholestérol, prévention de l’ostéoporose  en particulier sans exposer au risque de cancer du sein puisque l’absence d’utérus permet de n’utiliser que les seuls estrogènes.

Dr Vincent Lavoué & Pr Jean Levêque – Rennes 2013