Le Dr Antoine Dardenne est oncologue médical à l’hopital Saint-Antoine et membre de notre conseil scientifique. Il nous a transmis un mémo sur l’immunothérapie dans le syndrome de Lynch que nous avons publié dans une Lettre aux adhérents. Nous le reproduisons ici car l’immunothérapie permet aujourd’hui de guérir des cancers du syndrome de Lynch y compris au stade métastatique, voire d’éviter le geste chirurgical, en particulier dans le rectum et l’estomac.
IMMUNOTHERAPIE dans le syndrome de Lynch TUMEUR MSI/ dMMR
Au niveau tumoral, le phénotype MSI/dMMR est causé par une déficience d’un des systèmes de réparation de l’ADN appelé MMR(mismatchrepair).
Il peut être dû à une anomalie héréditaire sur un des gènes MMR (MLH1,MSH2,MSH6,PMS2) signant un syndrome de Lynch.
La majorité des cancers développés chez les personnes ayant un syndrome de Lynch, présente ces caractéristiques particulières. Ce phénotype dMMR/MSI est prédictif d’une réponse favorable à une nouvelle classe d’agent thérapeutique antitumorale : l’immunothérapie de type inhibiteur des points de contrôle immunitaire.
De quoi s’agit -il ?
Notre système immunitaire fait l’objet d’une régulation fine qui permet d’assurer la protection de notre organisme tout en limitant les conséquences délétères sur les tissus sains.
Cette régulation passe par des points de contrôle immunitaire dont les plus étudiés actuellement sont la voie PD1 (Programmed Death-1)/PDL1 (Programmed Death-Ligand1) et le CTLA4 (Cytotoxic T Lymphocyte Antigen 4). En dix ans, les inhibiteurs de ces voies ont émergé comme une nouvelle classe thérapeutique incontournable dans l’arsenal thérapeutique de l’oncologue médical.
Le traitement d’immunothérapie a pour but de « réveiller » le système immunitaire pour qu’il aille à la rencontre des cellules tumorales.
Il existe deux classes thérapeutiques associées : les antiPD(L)1, Nivolumab(OPDIVO), Pembrolizumab (KEYTRUDA) et les anti CTLA 4 Ipilimumab (YERVOY ).
SCHEMA

De multiples essais d’immunothérapie luttant contre les tumeurs MSI ont été réalisés incluant des porteurs d’une prédisposition génétique de type syndrome de Lynch.
L’année 2022 a été riche en essais publiés dans des grandes revues internationales.
Les résultats sont très encourageants.
En phase non métastatique :
Dans les cancers de l’estomac ou de la jonction oesophagienne MSI, l’étude NEONIPIGA publiée en août 2022 met en évidence un taux de réponse complète de 60 % après le traitement néoadjuvant par Nivolumab+ Ipilimumab (Th. André, JCO 2022). La maladie n’était donc plus détectable chez plus d’un patient sur deux après ce traitement pré opératoire.
Dans les cancers colorectaux, Niche 2-trial a été présenté au congrès européen d’oncologie au mois de septembre 2022. Les patients atteints d’un cancer colorectal avec atteintes ganglionnaires ou grosse tumeur (T3) MSI recevaient 1 cure de Nivolumab+Ipilimumab puis une seconde perfusion de Nivolumab 15 jours après. L’opération avait lieu 6 semaines après la dernière perfusion. 32 des 107 patients évalués pour l’efficacité étaient porteurs d’un syndrome de Lynch. Le taux de réponse complète dans ce sous-groupe de patients fut de 78 %.
A l’heure actuelle, hors cadre d’un protocole de recherche, l’immunothérapie n’est pas prescrite en situation néo adjuvante ou adjuvante dans les cancers colorectaux, de l’estomac et de l’endomètre.
En situation avancée :
Les données publiées concernant l’immunothérapie sont plus anciennes et cette thérapie a maintenant sa place dans plusieurs cancers du spectre des patients Lynch.
Dans les cancers gastriques, des études de phase II montrent un réel bénéfice de l’immunothérapie. Le Nivolumab est actuellement accessible en association avec la chimiothérapie en première ligne de traitement. .
Dans les cancers colorectaux MSI, le Pembrolizumab a obtenu l’AMM en 1ère ligne de traitement dans les formes avancés non résécable avec une durée de réponse qui se maintient dans le temps pour la majorité des patients.
Dans les cancers de l’endomètre les résultats publiés en février 2022 de l’association Pembrolizumab+ Lenvatinib montre un taux de réponse important et particulièrement encourageant. Cette combinaison de traitement est accessible après une première ligne de traitement par sel de platine.
Les essais actuels :
En phase précoce de la maladie :
L’immunothérapie est partiellement disponible dans les phases précoces de la maladie tumorale. Le bénéfice attendu doit être supérieur aux effets secondaires auto immuns rare mais possible de l’immunothérapie. L’essai IMHOTEP en cours de recrutement en France a pour but d’évaluer l’efficacité et la tolérance en préopératoire du pembrolizumab chez des patients adultes ayant une tumeur MSI que ce soit colique, endomètre, gastriques ou d’autres sous types tumoraux.
En phase avancé de la maladie :
D’autre essai tel que l’essai NIPIRESCUE en cours de recrutement sur l’hôpital St Antoine, permet de proposer après progression sous immunothérapie seul, une combinaison d’immunothérapie comportant un anti CTLA4 pour les cancers colorectaux et réfractaire aux chimiothérapies conventionnelles. D’autres essais sont disponibles tel que l’essai TESARO pour d’autres sous types tumoraux.
Conclusion :
De belles avancées et des perspectives pleines d’espoir voient le jour pour les personnes atteintes de cancers dans le cadre d’ un syndrome de Lynch.
Des résultats à venir également sur le front de la prévention qui feront l’objet d’un autre article.
Glossaire :
Les traitements systémiques (injectés dans l’organisme) n’ont pas la même terminologie en fonction du stade de la maladie :
-Néoadjuvant signifie avant un projet chirurgical ; -Adjuvant au décours d’une chirurgie.
On parle de ligne de traitement dans une situation métastatique ou une tumeur non résécable.
Réponse complète signifie que la tumeur n’est plus détectable par le médecin radiologue ou anatomopathologiste.