
Il y a 25 ans, le syndrome de Lynch était encore peu connu du grand public et même du milieu médical. Mais même si les recommandations de surveillance devaient être peaufinées, il était déjà clairement établi que les porteurs du Syndrome de Lynch qui bénéficiaient d’un suivi médical particulier et régulier (coloscopie pour tous, associée à un suivi gynécologique pour les femmes) réduisaient fortement leur risque de cancer.
Il était donc primordial de faire connaitre le syndrome de Lynch et l’intérêt des examens médicaux préventifs. Le Dr Sylviane Olschwang, alors chercheuse INSERM à l’hôpital Saint Antoine de Paris, se consacrait à l’étude du syndrome de Lynch. Elle a pensé qu’une association de bénévoles motivés pourrait significativement participer à la diffusion de l’information.
Sylviane Olschwang a réuni des familles concernées par le syndrome de Lynch et leur a suggéré de créer une association sur le modèle d’autres associations confrontées à une maladie génétique. Quelques personnes emmenées par Diane Julhiet ont relevé le défi, et c’est ainsi que le 23 octobre 1999, la préfecture de Paris a enregistré la création de notre association.
Voici son témoignage rendu en 2023 en hommage à Diane Julhiet :
« J’ai rencontré Diane Juilhet début 1989. Son époux s’était fait opérer d’une « polypose familiale » m’avait-on dit dans le service de chirurgie digestive. Diplômée depuis à peine plus de 6 mois, j’avais avec elle retracé cette histoire familiale, que je trouvais insolite, comparée à celles des autres familles qui m’avaient été confiées. N’osant mettre en doute les affirmations des « maîtres », j’ai proposé à Diane de participer aux recherches sur cette maladie, dont on venait de nommer, sans l’avoir encore identifié, le gène responsable, APC.
C’est alors qu’elle m’a reçue dans sa résidence à Neuilly, en présence de sa nombreuse belle-famille, autour d’un buffet comme elle savait si bien les organiser, une après-midi ensoleillée de fin avril 1989. J’étais accompagnée de Martine, ingénieur au laboratoire, et de son grand sac destiné à recevoir les prélèvements sanguins de ceux qui souhaitaient participer aux recherches. Impressionnées par tant de monde, c’est progressivement petits et grands qui se sont prêtés à notre démarche, et nous sommes reparties avec 14 prélèvements, une fortune pour les jeunes chercheurs que nous étions. Diane avait, dès ce premier acte, montré son efficacité et sa détermination face à la maladie.
Nous sommes évidemment restées en contact. Au deuxième acte, il s’est agi de réunir, au-delà de sa famille, les autres familles concernées, en une association qui soutiendrait, promouvrait, diffuserait toute action utile à la prise en charge de la maladie. En 1991, l’APTEPF est née de ces efforts. Les recherches se poursuivaient. Analyse moléculaire des prélèvements de la famille de Diane, pas de lien génétique avec la polypose familiale. Identification du gène APC en 1993. Pas de mutation du gène APC dans la famille de Diane. Mon doute diagnostique devenait obsessionnel. J’en parlais à Diane. Elle s’est montrée très compréhensive et n’a jamais émis le moindre mot de reproche ou de désappointement. Et pourtant elle était inquiète. Son époux n’était plus là. Les enfants grandissaient. Comment anticiper ?
Entre 1993 et 1996, le syndrome de Lynch est né, avec l’identification des gènes MSH2, MLH1, MSH6. L’histoire de la famille de Diane était tellement plus vraie dans ce nouveau contexte. Nous avons alors d’un commun accord décidé de réorienter les recherches.
Troisième acte, 1997, le gène MLH1 était bien à l’origine de son histoire familiale. Soulagement et perplexité. Nous savions (ou croyions savoir) désormais comment prendre en charge sa famille. Mais les autres ? Tout était différent dans ce nouveau syndrome, les cibles, les âges, les manifestations, la fréquence. Qu’à cela ne tienne. C’était parti pour la création d’une nouvelle association, HNPCC France, en 1999.
Nous avons poursuivi nos efforts communs encore une quinzaine d’années, puis nos chemins se sont peu à peu séparés, à la suite d’épreuves familiales successives auxquelles il a été difficile de faire face. Nos énergies n’étaient plus tout-à-fait aussi intenses. Diane nous a quittés. Elle est plus qu’un symbole pour moi. Elle m’a accompagnée, encouragée. Tout le temps qu’ont duré mes recherches sur les prédispositions génétiques majeures aux cancers digestifs, elle m’a toujours fait confiance, et je lui en suis infiniment reconnaissante.
Merci à vous, ses successeurs, de m’avoir permis cette évocation. »
Dr Sylviane OLSCHWANG