Matinée d’information du 11 mars 2023 Hopital Saint Antoine – Paris – Réseau PRED-IDF

par | Mar 31, 2023 | Compte-rendus

Téléchargez ici le résumé des interventions de la matinée d’information du 11 mars 2023 rédigé par le Dr A. Dardenne

Accueil – Présentation de la matinée – Dr Antoine DARDENNE

Le but de cette matinée d’information est de faire un point sur les avancées concernant le syndrome de lynch et de présenter l’équipe du centre de suivi PRED-IDF de St-Antoine.

L’équipe est composée :

– d’une infirmière de coordination du centre de suivi Laetitia Tirelli,
– d’un gastro entérologue Dr Laura Sirmai,
– d’un oncologue-oncogénéticien le Dr Antoine Dardenne
– d’un chirurgien digestif  le Pr Parc.

Le centre de suivi travaille en étroite collaboration avec le Pr Chabbert de l’hôpital Tenon et le Dr Corinne Bezu de l’Hôpital la Pitié Salpêtrière pour les aspects gynécologiques du syndrome.

Une réunion multidisciplinaire se tient tous les 2e mardis de chaque mois durant laquelle sont discutés les prises en charge les plus complexes et le plan personnalisé de suivi des nouveaux patients inscrits.

On rappelle que le syndrome de lynch confère un risque plus important de développer des cancers que dans la population générale. Plusieurs gènes sont impliqués dans ce syndrome : MLH1, MSH2, MSH6, PMS2.

Le spectre est large : principalement cancer du côlon et de l’endomètre, secondairement d’autres organes : ovaires, estomac, intestin grêle, voies urinaires, voies biliaires.

Au niveau européen, une cohorte prospective comprenant plus de 8000 patients porteurs d’un syndrome de Lynch s’est mise en place, appelée la PLSD. Elle permet le recueil d’information de qualité sur le suivi de ces patients. (Mollet Gut 2018)

Les résultats qui se dégagent de cette cohorte sont :

– une pénétrance élevée de développer un cancer (autour de 80%) chez les porteurs d’un variant pathogène sur le gène MLH1 et MSH2. Un surrisque plus accru sur le tractus urinaire et dermatologique pour les porteurs MSH2 ; Les données pour les porteurs EPCAM sont faibles car peu de données sont disponibles.

Pour les porteurs MSH6, le risque est modéré de développer un cancer colique, de l’ordre de 20% sur la vie entière, mais le risque gynécologique reste élevé autour de 40 %.

Enfin pour les porteurs PMS2, leur risque de développer un cancer est le plus faible vis-à-vis des autres groupes de l’ordre de 32% tout organe confondu.

  • Recommandations actuelles proposées par le centre de suivi PRED-IDF ST- AntoineDr Laura SIRMAI

Il existe des consultations d’oncogénétique réparties sur l’ensemble du territoire. En découle des réseaux de suivi dans chaque région. Citons en exemple le dispositif CaPLA pour la région de Bordeaux, Réseau HERMION pour le Sud Est. Chaque réseau propose ses recommandations de suivi ce qui peut expliquer quelques divergences dans le suivi de chaque famille. Cela nécessite de notre part une homogénéisation de nos pratiques.

Au niveau européen, le seul consensus repose sur le suivi coloscopique. ( TSeppala Br J surg 2021).

Sur St-Antoine dans le cadre du suivi PRED-idf nous recommandons :

Sphère digestive :Colon/rectum : surveillance tous les 2 ans, rapprochée en cas de lésions avancées ou préparation insuffisante. L’antécédent personnel de cancer colique n’est pas un argument pour pratiquer des endoscopies annuelles. La première coloscopie est recommandée à partir de 20 ans pour les porteurs MLH1/MSH2, de 25 ans pour les porteurs MH6/PMS2.
Pour l’estomac : Gastroscopie tous les 4 ans avec biopsies étagées et éradication d’Helicobacter Pylori.
Pour l’intestin grêle : surveillance du grêle par NFS/ferritinémie annuelle à partir de 40 ans.

Ces recommandations sont modulées en fonction de l’histoire familiale.

Sphère urologique : ECBU+ cytologie urinaire + échographie des voies urinaires à partir de 40 ans et dosage du PSA à partir de 50 ans chez les porteurs MSH2. Un projet de recommandations d’experts de l’association française d’urologie sera mené courant 2023.

Le Dr Sirmai présente ensuite des photos de personnes présentant une atteinte dermatologique pour sensibiliser les patients. Cette atteinte survient le plus fréquemment chez les porteurs MSH2.

La sphère gynécologique sera abordée dans la dernière section.

Ces recommandations de surveillance s’entendent en l’absence de symptômes. En cas de perte de poids inexpliqué, de saignements (digestifs, urinaires) ou de troubles du transit, une consultation médicale est vivement recommandée. Un livret sur les symptômes sur lesquels il faut être vigilant sera communiquée dans les prochains mois.

Le Dr Sirmai présente ensuite à l’assemblée une vidéocapsule. Il s’agit d’une grosse capsule qui permet d’explorer le grêle après une préparation dédiée.

  • Influence des facteurs non génétiques Dr Antoine DARDENNE

Le risque de développer un cancer au cours de sa vie en tant que porteur d’un syndrome de lynch est appelée la pénétrance.

Il a été mis en évidence récemment que cette pénétrance pouvait être très variable pour une même anomalie génétique.  (M.A Jerkins Lancet Oncol 2021) 

Ce tableau montre un risque allant du simple au double de développer un cancer colorectal au cours de sa vie chez les porteurs de variant pathogène MSH2 ayant l’orthographe suivant c.942+3A>T .

Dès lors d’autres facteurs influencent cette pénétrance.

Est abordé dans la présentation l’impact de l’alcool, du tabac, de la sédentarité, de l’obésité, de la bactérie Helicobacter Pylori comme autant de facteurs influençant négativement le risque de cancer. La nourriture est à prendre en compte également, notamment la consommation de charcuterie et de viande rouge.

Ce qu’il faut retenir pour chez soi :

– Augmenter sa pratique sportive jusqu’à 150 mn d’exercice par semaine.

– Limiter sa consommation de viande rouge à 500 g par semaine, 150 g pour la charcuterie

– Maximum 10 verres de vin par semaine et pas plus de 2 par jour.

– Consommation de fibres > 25 g par jour

– Tendre vers un IMC inférieur à 25 kg/m2. Le calcul est simple : poids/(taille x taille)

Chez les porteurs d’un syndrome de Lynch a été regardé l’effet protecteur de l’aspirine à la dose de 600 mg pendant 2 ans. (Etude CAPP2) 1 cancer colorectal a été évité pour 25 patients mis sous Aspirine. Les résultats de l’étude française ASS Lynch sont en attente avant d’émettre des recommandations à l’échelle nationale. 

Une étude a été publiée également sur le rôle de l’amidon (J.C. Mathers, Cancer PrevRes 2021) avec un rôle peut être protecteur vis-à-vis des cancers digestifs de type estomac, duodénum, pancréas, voies biliaires. À confirmer sur d’autres séries de patients porteurs d’un syndrome de Lynch.

Enfin, les antécédents familiaux influencent la survenue de cancer, particulièrement pour l’atteinte dermatologique du grêle et des voies urinaires. (Leah Biller, Gastroenterology 2021)

  • Présentation de l’association syndrome de Lynch  –Jacqueline MARTIN et Frederic Lasserre membres de l’association

Madame Jacqueline MARTIN et Monsieur Frederic Lasserre ont présenté l’association de patients Syndrome de Lynch France anciennement appelée HNPCC France.

Les intervenants ont expliqué les objectifs de l’association : informer sur le syndrome, écouter, dialoguer, orienter les patients. Par ailleurs, ils diffusent et expliquent les recommandations de prévention, et encouragent la recherche sur le syndrome de Lynch.

Ils représentent l’intérêt des familles Lynch en France. Il est possible d’aborder avec eux les différents aspects du syndrome notamment le retentissement psychique et l’impact financier du suivi.

Pour les contacter une seule adresse : contact@hnpcc-lynch.com

Les intérêts d’adhérer à l’association y sont multiples : bénéficier d’une information régulière, ne pas rester seul.e.s, soutenir et s’impliquer dans la vie de l’association.

  • Immunothérapie entre espoir et nouveau défi – Pr Thierry ANDRE

Au niveau tumoral, le phénotype MSI/dMMR est causé par une déficience d’un des systèmes de réparation de l’ADN appelé le système MMR(mismatchrepair).

Il peut être dû à une anomalie héréditaire sur un des gènes MMR (MLH1,MSH2,MSH6,PMS2) signant un syndrome de Lynch.

La majorité des cancers développés chez les personnes ayant un syndrome de Lynch, présente cette caractéristique particulière. Ce phénotype dMMR/MSI est prédictif d’une réponse favorable à une nouvelle classe d’agent thérapeutique antitumorale : l’immunothérapie de type inhibiteur des points de contrôle immunitaire.

Notre système immunitaire fait l’objet d’une régulation fine qui permet d’assurer la protection de notre organisme tout en limitant les conséquences délétères sur les tissus sains.

Cette régulation passe par des points de contrôle immunitaire dont les plus étudiés actuellement sont la voie PD1 (Programmed Death-1)/PDL1 (Programmed Death-Ligand1) et le CTLA4 (Cytotoxic T Lymphocyte Antigen 4). En dix ans, les inhibiteurs de ces voies ont émergé comme une nouvelle classe thérapeutique incontournable dans l’arsenal thérapeutique de l’oncologue médical.

Le traitement d’immunothérapie a pour but de « réveiller » le système immunitaire pour qu’il aille à la rencontre des cellules tumorales.

Il existe deux classes thérapeutiques associées :  les antiPD(L)1, Nivolumab(OPDIVO), Pembrolizumab (KEYTRUDA) et les anti CTLA 4 Ipilimumab (YERVOY ).

Schéma sur l’interaction globule blanc-cellule cancéreuse.

La cellule cancéreuse exprime un ligand à sa surface appelé PDL1 qui inactive le globule blanc. L’injection d’immunothérapie permet de lever cette inactivation et de « réveiller » notre système immunitaire.

Le statut MSI ou dMMR peut être recherché par deux techniques différentes soit en biologie moléculaire soit en immunohistochimie.

Le Pr André a ensuite présenté différents essais d’immunothérapies dans différentes localisations tumorales : estomac, colon chez les personnes ayant une tumeur MSI. Une partie de ces patients présentant une tumeur MSI étaient porteurs d’un syndrome de Lynch. (Th. André NEJM 2020, Th. André Journal of Oncology 2022.) Les résultats sont majeurs et ont révolutionné la prise en charge des cancers MSI au stade métastatique.

Ces immunothérapies sont habituellement très bien supportées contrairement à la chimiothérapie mais présentent des effets secondaires propres.  En réveillant le système immunitaire, certains globules blancs peuvent se retourner contre eux-mêmes. On appelle cela une maladie auto immune. De manière rare, des atteintes auto immunes peuvent ainsi se développer chez des personnes sous immunothérapies. Les plus fréquentes sont des troubles endocriniens, digestifs et dermatologiques.

Ces résultats très favorables conduisent à des recherches prometteuses à des stades précoces de la maladie.

Citons en exemple l’étude Niche 2 trial présentée au congrès européen en septembre 2022.

Les patients atteints d’un cancer colorectal avec atteintes ganglionnaires ou grosse tumeur (T3) MSI recevaient 1 cure de Nivolumab+Ipilimumab puis une seconde perfusion de Nivolumab 15 jours après. L’opération avait lieu 6 semaines après la dernière perfusion. Le taux de réponse complète dans ce sous-groupe de patients fut de 78 %.

Ilfaut réfléchir quant à une éventuelle possibilité de conservation de l’organe atteint en fonction du site tumoral.

Hors cadre de recherche, l’immunothérapie n’est pas prescrite en situation précoce.

Citons trois études en cours et à venir dans le service :

– IMHOTEP : 1 cycle de pembrolizumab puis chirurgie dans les cancers digestifs MSI puis traitement post opératoire en fonction de la réponse histologique.

– PREMICES : 6 cycles d’immunothérapie par Pembrolizumab dans le cancer du côlon puis comparant une stratégie opératoire à une stratégie de Watch and Wait (pas d’opération en l’absence de tumeur identifiée). !

– DEWI : 9 cycles d’immunothérapie par Dostarlimab puis opération ou non en fonction de la réponse au traitement dans le cancer de la jonction œsophagienne et de l’estomac.

Le Pr André explique les difficultés d’accès à l’immunothérapie dans les formes métastatiques et l’importance pour les patients de se saisir de l’enjeu de l’accès aux médicaments.

  • Place de la chirurgie dans le syndrome de Lynch – Pr PARC

 La chirurgie dans le cancer du côlon est proposée aux patients ayant un cancer ou un adénome non résecableendoscopiquement.

En cas de cancer du côlon, il peut être proposé soit une colectomie segmentaire avec surveillance coloscopique soit une colectomie subtotale et simple rectoscopie en surveillance.

L’avantage de la rectoscopie permet de faire l’examen sans anesthésie générale avec une préparation moindre.

Le risque de second cancer métachrone, c’est-à-dire le risque de développer un second cancer colique est variable dans la littérature scientifique.  De l’ordre de 16 % à 10 ans.

La surveillance endoscopique du segment restant doit être maintenue.

La coloscopie doit être faite avec un coloscope HD avec un temps de descente supérieur de 15 minutes ou avec coloration.

Le Pr Parc a souligné les risques de fistule recto vaginale lorsque la colectomie est associée à l’hystérectomie/annexectomie dans le même temps.

  • Aspect gynécologique  – Pr Chabbert-Buffet

A partir de 35 ans une surveillance par échographie pelvienne annuelle est proposée. La sonde est placée en intravaginale. En consultation, est proposée à l’aide d’un examen au speculum une biopsie de l’endomètre.

Ce suivi se fait en parallèle du dépistage du cancer du col de l’utérus à partir de 25 ans.

Il n’y a pas d’outil permettant de dépister tôt un cancer de l’ovaire à ce jour. D’où la recommandation de chirurgie prophylactique.

Toutes les contraceptions peuvent être proposées et choisies. Certaines pourraient avoir un intérêt supplémentaire. La pilule pourrait réduire le risque de cancer du côlon, de l’endomètre et de certains cancers de l’ovaire. Le dispositif intra utérin au lévonorgestrel réduit le risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire. La ligature des trompes permet une réduction du risque de cancer de l’ovaire.

Ces assertions sont vraies en population générale, elles restent à démontrer chez les femmes porteuses d’un syndrome de Lynch.

Il n’y a pas de contre-indication à réaliser une biopsie d’endomètre chez les porteuses d’un dispositif intra utérin.

Quand vient le moment de la chirurgie prophylactique à partir de l’âge de 40 ans, il faut bien se préparer. Il s’agit d’une chirurgie préventive, il n’y a pas d’urgence à se faire opérer.

La chirurgie n’est pas proposée plus tôt en raison du risque cardiovasculaire qui pourrait être augmenté si la patiente est opérée trop jeune. Le risque de cancer augmentant avec l’âge, la quarantaine est ainsi devenue un bon compromis.

Concernant le traitement hormonal substitutif de la ménopause :

En France, on utilise des œstrogènes pour la qualité de vie, la santé de l’os et des artères et des progestatifs pour protéger l’endomètre.

L’œstradiol, hormone naturellement produite par l’ovaire est délivrée de préférence par voie non orale, sous forme de patch ou de gel.

Ce traitement est proposé pour remplacer la fonction hormonale des ovaires après la chirurgie prophylactique.  Comme l’endomètre a été retiré les progestatifs ne sont plus nécessaires. Ce traitement est proposé jusqu’à 50 ans au moins.

Ce traitement hormonal substitutif de la ménopause n’est pas indiqué si la personne n’a pas été opérée.

Pour les seins : palpation tous les ans, mammographie tous les deux ans, comme toutes les femmes.

Les conférences ont été suivies d’échanges avec la salle.